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J’ai eu l’occasion de grandir à un moment privilégié
de l’histoire. En effet, j’ai vu se développer les nouvelles techniques de
communication dans mon pays.
Il y’a une quinzaine d’années environ, les garçons
nous attendaient planqués, sous la pluie comme le soleil, derrière les arbres
nous sortions de la maison ou de l’école pour nous aborder ; ils n’avaient
en général, aucune idée de l’heure où nous passerions. Parfois, ils avaient le
bonheur de nous voir apparaître, parfois, ils désespéraient de leur attente et
rentraient chez eux. Certains parents étaient
sévères et des jeunes hommes recevaient des baffes ou des punitions corporelles
quand ils se rendaient compte de leur attente. Même lorsqu’on arrivait, il n’y
avait aucune une garantie, parce qu’on
pouvait refuser de leur parler ou d’accepter la lettre qu’ils avaient
écrite.
Eh oui, la lettre était l’élément clé, le lieu où on épanchait ses
sentiments et faisait sa demande à sa dulcinée. A cette époque, je n’étais pas
très jolie mais j’avais des amies qui étaient super jolies et beaucoup de
prétendants me sollicitaient, dans l’espoir que je transmette leur fameuse
missive en contrepartie de présents. Quant à ces lettres, elles étaient
soigneusement décortiquées en groupes de filles ; parfois l’on corrigeait
les fautes et les renvoyaient à l’émetteur, surtout s’il ne plaisait pas à
l’élue de son cœur.
J’ai vu tout ce manège disparaître à petits coups,
au fur à mesure que l’utilisation du téléphone augmentait. Nous sommes d’abord
passés à l’ère de la messagerie mobile, les SMS. Cette époque était cauchemardesque pour les jeunes garçons parce qu’il fallait avoir un téléphone, pour
ne pas être méprisé; et de surcroît offrir un téléphone à sa prétendante pour
marquer le coup ou on se faisait jeter carrément. Une amie à moi, a eu quatre
téléphones, tous offerts par des prétendants. Nous dépensions énormément en
frais de communication. Je chipais le
téléphone de ma mère pour pouvoir discuter et c’était toujours le désastre
quand elle se rendait compte de la baisse spectaculaire de son crédit de
communication. On avait aucune façon de vérifier si l’autre avait reçu ou lu
ton message, et le roaming presque inexistant, ne permettait pas de communiquer
au-delà des frontières. Lorsque votre amoureux quittait le pays, la relation était perdue de toute évidence.
C’est dans ce sillage, que d’abord l’application
« Toi et moi » est apparu au Togo. Doris, une jeune togolaise de 26
ans raconte : « l’avènement de Toi et moi a mis en réseau les jeunes
togolais ; il était doté d’une page d’accueil, de forum et la possibilité
d’écrire en messagerie privée. Mais cela est rapidement devenu un site de
drague très virulent. Tout était dit en messagerie, le rendez-vous servait
juste à concrétiser la relation. Sur « Toi et moi », chacun avait un
nouveau statut, le fils du mécanicien n’avait pas à justifier son statut
social, tous les paramètres qui rentraient en compte dans la démarche normale
et sociale d’une vraie drague étaient abolies. Il y’avait une vraie facilité de
contact mais aussi à mentir. Des gens en ont profité pour vivre des aventures
sans lendemain, certains ont trouvé leur bonheur. Pour les togolais « Toi
et moi » est l’ancêtre de WhatsApp et Facebook ».
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ET AUJOURDHUI...?
En effet, la difficulté à rentrer en
contact avec son élu et la limite des frais communicationnels sont pratiquement
inexistants. Déjà, presque toutes les jeunes filles ont un téléphone et des
comptes sur les réseaux sociaux. Ceux qui dominent la jeunesse togolaise sont
Facebook et WhatsApp. F., jeune cadre togolais de la trentaine détaille encore
mieux ce fait en disant : « Avec WhatsApp, le contact est devenu
plus facile. Actuellement, Le plus dur est d’avoir le numéro et d’engager la
discussion. Mais les groupes WhatsApp résolvent partiellement ce problème puisqu’on
peut y récupérer le numéro des filles. C’est plus facile de courtiser, les
demoiselles elles-mêmes sont devenues plus expressives et entreprenantes
derrière leur téléphone qu’en face. Le nœud c’est juste obtenir un
rendez-vous ».
Quitter aujourd’hui le Togo, n’est plus aussi un motif de
rupture évident, parce que l’on peut rester en contact quel que soit la
distance. Il faut même dire que parfois, on a même pas besoin du numéro de la
fille me dit Boris ; avoir un
compte Facebook est suffisant, il suffit de regarder les photos et
écrire, autant qu’on le souhaite, à celle qu’on a choisie.
Il n’y a pas qu’à Lomé, que ces réseaux sociaux font
fureur et modifient les techniques de drague. Même, en chine, dans un monde où
la technologie est des plus avancés, ils existent de nombreux sites de
rencontre. Mais « Tantan », « Two » et « Baidu »
battent tous les records. Pour se faire des amitiés chinoises, il faut choisir
préférentiellement Tantan et pour rencontrer des expatriés, Baidu est le lieu
clé. Un jeune expatrié Togolais de 28 ans a bien voulu m’expliquer le principe
de Tantan : « il s’agit de créer un identifiant et poster sa
photo ; lorsque cela plait à la seconde personne, elle aime votre photo,
si en retour vous aimez sa photo, l’application vous met directement en
contact. ». Toutefois l’application « Wechat » qui est
incontournable ici en Chine, est le lieu privilégié pour se faire aborder à
tout moment ; c’est un mixage de Facebook et de WhatsApp, avec la
possibilité de faire des transactions financières via l’application.
Aujourd’hui, au Togo comme en Chine, se mettre en
couple rime obligatoirement par posséder un téléphone mobile et avoir des
identifiants sociaux. Ensuite, il faut afficher son partenaire par des photos
et publications régulières, sinon votre fidélité est immédiatement remise en
question : Serions-nous à l’épopée de la drague 3,0 ? Assurément et il faut garder à l'esprit que les échanges sur réseaux sociaux ne doivent pas remplacés les têtes-à-tête.
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